samedi 23 juillet 2011

certes, on dira que tout cela est bien bête. En quoi est-il si merveilleux d'avoir bu du chocolat chaud en mangeant un gateau ?

En soi, ça n'a rien de merveilleux. Ce qui l'est, pour moi, c'est le caprice de catherine, et sa façon, i, de l'exposer.

De quoi ai-je envie ? semblait-elle se demander tout le temps. Et son attitude rêveuse était en fait l'écoute attentive de ses envies.

J'ai été élevée à trouver mes envies négligeables; que dis-je : elles n'existaient pas, il n'était pas question d'en avoir. Si elles existaient, elles existaient, mais il n'était pas question d'y céder. Il était invraisemblable, inimaginable, de la faire.

Une envie était comme un gâteau exposé dans la vitrine du boulanger ; j'en voyais souvent, je les regardais, et j'en avais toujours envie. Et simultanément, je savais que je n'en aurais JAMAIS. ou plutôt, soyons exact, que je n'avais pas de prise sur cette envie : ma mère achetait parfois des gâteaux, mais c'était aléatoire, nous ne savions pas quand, il n'y avait pas de logique (sauf pour Noël et les anniversaires, et même là, certains gâteaux convenaient plus due d'autres). Un dimanche, soudain, il pouvait y avoir des gâteaux. Nous ne manquions de rien. Mais si nous demandions, nous savions que l'envie de gâteau ne serait jamais satisfaite.

Donc, à peine une envie naissait-elle dans mon coeur - et j'en avais des tas - que je la faisais mourir immédiatement. Les envies étaient faites pour mourir. Par ailleurs, je le répète, je ne manquais de rien.

Je me souviens parfaitement d'une scène. Nous étions dans une boulangerie. Un enfant veut un gâteau et commence à pleurer, et fait une vraie comédie pour l'obtenir. Très vite, ma mère se tourne vers nous et nous lance un regard entendu. Je comprends fort bien : comme cet enfant est mal élevé ! il réclame !je suis fière : je ne réclame pas.

Mais la suite de l'histoire est la suivante : la mère cède (il y avait, dans la bouche de ma mère, deux gros mots "réclamer" et "céder"). Cette mère-là commet l'innommable : elle cède.

Ma mère se retourne vers nous à nouveau, autre regard entendu. Et je me souviens d'avoir pensé : Oh, quelle mère indigne : elle lui cède, elle va faire de son enfant un capricieux ! Quelle chance j'ai d'avoir une mère qui ne me cède pas !

Et j'étais sincère, c'est le pire : je pensais, je me souviens d'avoir pensé de toute mon âme à quel point cette pauvre femme allait pourrir son enfant. Ce qui était peut-être vrai, en fait, je n'en sais rien, mais surtout, j'étais si fière de ma mère, comme endoctrinée...

C'est seulement depuis une dizaine d'année que je repère cette sorte d'endoctrinement - depuis qu'il n'opère plus, en fait....


mercredi 6 juillet 2011

Fouiller ces souvenirs. Chez Viviane, je mens. Maints prétextes sont bons pour débarquer chez elle, toujours avec une bouteille de vin blanc qui l'étonne, parce qu'elle en a dans sa cave, son oncle fait du vin. Je prétexte que je ne veux pas la dégarnir.
- Mais qu'elle est bête ! s'écrie-t-elle en riant, en prenant ma bouteille de vin. Allez, entre.

j'entre. j'entre éternellement. Je ne fais rien d'autre qu'entrer chez elle.

Il mefaut cette vie, cette légèreté, cet appartement qui domine tout Paris, s'ouvre droit sur la Tour Eiffel, et écase à ses pieds les petites voitures du boulevard.

il me faut la lumière, la légèreté, la griserie des repas, des verres, que nous buvons.

La porte s'ouvre, une porte palière plutôt laide, dans cet immeuble des années 30, un immeuble plutôt ouvrier, avec une montée d'escalier qui n'a rien de splendide : pas de vaste hall, pas de miroir, pasde boiserie, par de marbre. Le sol de l'entrée est en carreaux de ciment moucheté gris, les murs peints en blanc portent des traces, bien que l'ensemble soit propre. L'escalier est aussi en carreaux de ciment, les murs blancs, plus très propres, mais pas vraiment sales. Les deux portes palières sont en bois, lisse, deux planches, mais blindées. Il y a quelques chose d'intemporels et de très parisiens dans cette montée d'escalier ; Amélie Poulain, Desnos pourraient sortir de l'appartement voisin.

Pourtant l'esprit qui me saisit dès l'ouverture de la porte m'emmène fort loin ; où ? Je ne sais. Il y a quelque chose de féérique, et de très Vieux-Parisien ici. Les journées de Catherine passent à un rythme qui n'est pas le mien. Elle est dans la cuisine et boit un café rêveusement en lisant un livre. Le désordre qui l'entoure ne la dérange miraculeusement pas. Sa cuisine sent bon - la cannelle. Elle a fait un gâteau aux pommes et à la cannelle. Pourquoi ? Parce qu'elle en a eut envie. Moi, qui n'ait jamais cédé à une envie, ni pensé qu'on pouvait ou devait leur céder, je demeure muette devant cette fantaisie quasiment royale. "Et maintenant, murmure Catherine, ce qui je ne sais pas, c'est s'il faut mieux du thé ou du café pour l'accompagner." Je demeure coite. La question ne m'est pas venue à l'esprit. "bien sûr, tu me diras qu'on peut toujours boire un vin blanc, ou rouge - il ne faut pas oublier que nous sommes des poivrotes !" Elle rit. "mais je pense tout de même qu'avec un tel gâteau, il faut songer à un goûter" Je dis comme cela qu'on pourrait alors songer à un chocolat chaud. L'idée la frappe. "c'est moins chic, mais beaucoup plus gourmand,e t tellement régressif ! J'adore !"

Et c'est ainsi que nous goûtons d'un gâteau aux pommes encore tiède, accompagné d'un onctueux chocolat chaud.